L’architecture sensorielle au service du handicap
En France, 90 % des établissements de soins sont conçus à notre « normalité », mais inadaptés aux populations dépendantes. Pourtant, un environnement « ordinaire » génère un taux de stress et d’anxiété omniprésent chez les individus touchés par l’autisme et les déficiences intellectuelles. L’approche d’une architecture sensorielle et d’un design inclusif vise à améliorer le bien-être de ces individus et à favoriser leur autonomie.
L’architecture sensorielle : qu’est-ce que c’est ?
Encore méconnue en France et en Europe, l’architecture sensorielle ou inclusive consiste à concevoir des espaces dédiés aux populations dites dépendantes. Par dépendantes, on entend les personnes touchées par des déficiences intellectuelles et/ou des maladies neurodégénératives comme :
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le TSA (Trouble du spectre de l’autisme) ;
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la déficience intellectuelle ;
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les troubles cognitifs.
En architecture et en design, l’expérience sensorielle est une valeur clé. Chaque espace d’un bâtiment peut, par sa luminosité, ses matériaux, ses couleurs et sa volumétrie, nous faire ressentir des émotions différentes.
Chez les personnes en situation de handicap mental, l’exacerbation des sens est un défi du quotidien. Le regard des autres, le toucher, l’odorat ou l’ouïe sont différemment perçus et parfois amplifiés. Un environnement bruyant peut provoquer des crises d’angoisses ou des réactions agressives. Dans cette optique, l’architecture sensorielle ou « inclusive » vise la conception d’un climat bienveillant et adapté à l’application des thérapies (cognitive, comportementale, éducative).
L’objectif final est d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies neurodégénératives ou de déficiences intellectuelles et de favoriser leur autonomie. Mais aussi d’aider les équipes soignantes à appliquer leur thérapie dans les meilleures conditions possibles.
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L’Éveil du scarabée : un exemple d’architecture sensorielle
Réalisé en 2018, l’Éveil du scarabée est un bâtiment expérimental pour adultes autistes situé à Champcevrais dans l’Yonne. Née d’une volonté d’améliorer le cadre de vie des personnes handicapées, notamment autistes, c’est aussi une façon de proposer quelque chose de « différent ». À travers une architecture contemporaine aux antipodes du bâtiment hospitalier classique, l’Éveil du scarabée offre un environnement chaleureux qui sollicite les sens de manière douce et progressive. Chaque élément du design ou du mobilier présente des fonctionnalités utiles au quotidien (isolation acoustique, volumétrie, ergonomie, etc.).
Il est donc parfaitement adapté aux personnes en situation de handicap qui peuvent souffrir d’hyper sensorialité ou encore d’hypersensibilité.
En 2018, l’Éveil du scarabée reçoit le premier prix d’architecture aux ADC awards. Il aussi sélectionné par la fondation Winston Churchill de Canberra city en Australie, comme l’un des 5 bâtiments sur l’autisme les plus représentatifs à travers le monde.
Les trois axes de l’architecture sensorielle
La bienveillance
La bienveillance est au cœur de la notion d’architecture inclusive. Il faut alors se détacher des normes techniques dites « hospitalières » et se pencher réellement sur les besoins et le bien-être des populations dépendantes. Les environnements intérieurs et extérieurs doivent être adaptés aux différentes pathologies des occupants. Quant aux ambiances anxiogènes, elles sont à éviter à tout prix, comme toute autre source potentielle de stress.
Le sensoriel
L’architecture joue un rôle essentiel sur le comportement des individus. Pour appréhender l’hypersensibilité des personnes atteintes de troubles autistiques, la sensorialité doit être maniée avec tact et douceur. Lors de l’élaboration d’un espace dédié à ces populations, des notions comme la luminothérapie, la proxémie (distance sociale) ou encore le confort acoustique doivent être prises en compte dans le cahier des charges.
L’évolution
Cette approche qui vise à percevoir le monde de la différence à travers l’architecture sensorielle est un raisonnement encore récent. Les nombreuses recherches nous font progresser de jour en jour et nous incitent à remettre en question nos réflexions. Pour créer un environnement toujours plus adapté aux personnes atteintes d’autismes, il est primordial d’avancer sans craindre l’erreur.
Un projet de conception d’une maison d’accueil ?
Comment concevoir un espace inclusif et bienveillant ?
Créer un bâtiment et des espaces extérieurs à taille humaine
Pour un futur résident de maison d’accueil spécialisé (MAS - FAM), d’un institut médico-éducatif (IME) ou d’un centre d’activité de jour (CAJ), le premier ressenti est primordial. Il faut donc éviter à tout prix une esthétique trop hospitalière et favoriser un édifice avec une volumétrie à taille humaine qui porte le sentiment de ses habitants. Le bâtiment doit être ouvert sur le monde environnant et bénéficier d’espaces fluides traversés par une lumière naturelle douce.
L’entrée doit être bienveillante, transparente et sans obstacle. Elle doit s’effectuer en douceur. La progression graduelle des contrastes lumineux entre l’intérieur et l’extérieur joue un rôle primordial dans ce sens.
Un parcours végétalisé entre l’espace public et l’entrée du bâtiment est l'exemple parfait d’une conception qui favorise un effet de bien-être et une première impression agréable. Plus généralement, maximiser la végétation dans les espaces extérieurs est un bon moyen de solliciter les sens des occupants. Potagers, vergers et jardins floraux sont donc les bienvenus.
Mettre le ressenti volumétrique au centre du projet
Le ressenti volumétrique est un paramètre essentiel à prendre en compte lors de l’élaboration d’un espace inclusif dédié aux personnes avec autisme. Si certains vont préférer les zones dégagées avec une hauteur sous plafond importante, d’autres vont chercher la protection de hauteurs plus basses.
Pour que chacun puisse trouver son ressenti volumétrique adéquat, il faut jouer avec l’aspect de chaque espace. Une chambre par exemple pourra être plus basse afin de favoriser ce sentiment de protection volumétrique.
Il en est de même pour les circulations horizontales. Les espaces communs doivent comporter des lignes de fuite visuelles et plusieurs espaces de replis. Ces derniers offrent un sentiment d’apaisement en cas de crise d’angoisse.
La transition des espaces doit aussi se faire de manière douce pour éviter un effet stressant. On privilégiera les portes avec une fenêtre sur le côté afin d’atténuer ce sentiment d’inconnue.
Assurer un confort acoustique
Les nuisances sonores comme les échos, les bruits d’impact, ou les sons provenant de l’extérieur peuvent être une source de stress chez les personnes en situation de handicap. Pour créer un lieu inclusif et bienveillant, une attention particulière doit être portée à l’acoustique du bâtiment. Pour limiter ces nuisances, plusieurs méthodes sont possibles comme :
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choisir du placo acoustique et de la toile absorbante en guise de faux plafond ;
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mettre en place des pièges à son ;
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utiliser des matériaux denses avec des qualités absorbantes ;
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s’assurer de la bonne isolation des fenêtres.
Gérer l’éclairage naturel
La lumière naturelle agit sur l’humeur, les performances cognitives et intellectuelles, le système cardio-vasculaire, la sécrétion de certaines hormones et le métabolisme en général. Elle est primordiale pour des personnes atteintes de trouble du développement intellectuel (TSI) ou de trouble du spectre de l’autisme (TSA). Afin de bien gérer l’éclairage naturel intérieur, nous préconisons les aménagements suivants.
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Des moucharabiehs sur les baies vitrées pour filtrer la lumière.
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Des rideaux translucides à l’intérieur du bâtiment.
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Des baies vitrées de plain-pied, notamment dans les chambres.
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Des puits de lumière dans l’établissement avec vue sur le ciel.
Bon à savoir : il est important de prendre en compte l’exposition du bâtiment pour éviter la surchauffe en été. Des ouvertures à l’est et au sud-ouest sont idéales pour une belle luminosité.
Adapter les pièces à la luminothérapie
Quand la nuit tombe ou que la luminosité baisse, la lumière artificielle doit prendre le relai de façon douce et naturelle à l’intérieur des pièces du bâtiment. Comme pour les espaces Snoezelen, la luminothérapie favorise une expérience inclusive qui calme ou dynamise les esprits selon son utilisation. Une ambiance paisible, apaisante et légèrement colorée avec un minimum de contraste, permet de temporiser les humeurs tout en donnant des repères spatiaux temporels.
Privilégier du mobilier à l’ergonomie inclusive
Dans le cadre de l’architecture sensorielle inclusive, l’ergonomie du mobilier joue un rôle important. Ce mobilier doit être conçu pour s’adapter aux besoins physiques et cognitifs des personnes avec une déficience intellectuelle. Il doit être :
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protecteur ;
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ajustable ;
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facile à nettoyer ;
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confortable ;
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facilement accessible.
Il est aussi essentiel de prendre en compte la gestion des espaces entre les individus et les objets (proxémie) et le sens de la position et du mouvement (proprioception).
Un mobilier adapté peut améliorer drastiquement le bien-être, mais aussi l’autonomie et la réduction du stress des individus qui l’utilisent. Il est essentiel pour faciliter la vie des personnes touchées par un handicap.
Proposer des couleurs et des matériaux adaptés
Si l’utilisation des couleurs est recommandée, elle est spécifique aux diverses pathologies (alzheimer, autisme, trisomie, etc.). Elle peut servir de repère spatial dans la vie commune (pour marquer les différents espaces/pièces), mais ne doit pas être envahissante ou obsédante. On préférera des tons pastels plus doux dans les petits espaces et on évitera les marquages et les zébrures trop contrastés.
Pour ce qui est des matériaux, il est préférable d’utiliser des matières de construction naturelle sans produits chimiques et biocompatibles. L’émission de COV (composés organiques volatils) doit être de classe A+. Privilégiez des matériaux pérennes qui ne salissent pas afin d’éviter un sentiment de délabrement dans le temps.
À savoir : Il est déconseillé d’utiliser des matériaux trop durs qui peuvent devenir des zones d’automutilation.
Respecter les différents degrés d’intimités
Les espaces publics (salle de restaurant, salle de jeu, salon etc.) peuvent être une source de tension et de stress pour des personnes atteintes de troubles cognitifs. Pour limiter cette pression, on multiplie les lieux d’intimités entre l’espace public et intime (la chambre).
Des petites pièces (alcôves, petits salons, etc.) permettent aux habitants de se retrouver en petits groupes et de créer un sas de décompression. C’est la clé d’une cohabitation sereine.
Favoriser une circulation agréable dans le bâtiment
La circulation est un élément primordial pour le confort sensoriel d’un bâtiment. Les couloirs doivent être spacieux, car ils jouent énormément sur l’état psychique d’une personne atteinte ou non d’un handicap. C’est aussi un lieu de rencontre avec le personnel et les voisins. On privilégie une circulation de type circulaire sans retour en arrière avec des formes douces et ondulées pour favoriser l’esprit « balade » et ouvrir les champs de vision. Encourager la déambulation plutôt que le déplacement d’une pièce à l’autre est un bon moyen d’apaiser les tempéraments et d’accentuer l’effet de bien-être. Des zones de repli assises comme des alcôves avec une vue sur l’extérieur encouragent l’échange et apportent une lumière naturelle essentielle.
Notre démarche consiste à repenser la conception des établissements de soins et des lieux de vie pour s’éloigner des bâtiments hospitaliers classiques. Ces derniers ne répondant pas aux besoins des populations dépendantes, il est crucial d’adapter nos environnements architecturaux. De construire autrement en prenant en compte les différents facteurs qui influencent l’état psychique et physique des habitants. Des notions comme la luminothérapie, la proxémie ou la volumétrie générale doivent être les piliers d’une architecture sensorielle inclusive.
Nos références en architecture sensorielle
2023 — ADMR Les Maisonnées : Concours de maîtrise d’œuvre pour une MAS à Azay le Rideau, pour des personnes avec autisme en situation très complexe.
2023 — ADAPEI 45 : Réalisation d’un bâtiment de soins, MAS très renforcé pour 6 personnes présentant des TSA avec TND associés en situation très complexe à Ingré (45) (livraison 2024).
2022 — LE VINATIER : Concours de maîtrise d’œuvre pour un centre de recherches pour personnes avec autisme au Vinatier à Lyon.
2022 — UNAPEI ALPES PROVENCE : Étude de faisabilité du complexe la Pannouse ESAT — FAM — MAS à Marseille.
2021 — ARS de CORSE : Réalisation d’un guide sur l’architecture et le design sensoriel à destination des établissements de soins.
2021 — LADAPT : Mission-conseil du CAJM de Mesnil-Esnard pour personnes avec autisme. Negroni archivision - architecte et designer.
2021 – TATTONE : Réaménagement de l’UHR de Tattone en Corse.
2021 — TATTONE : Réaménagement de la MAS de Tattone en Corse.
2021 — S.I.C.P.R.H : Concours de maîtrise d’œuvre pour un IME à Bussy St Georges (77).
2020 — ABSL ROUVEROY : Utilisation du concept de l’éveil du scarabée pour la réalisation d’une MAS pour 20 personnes au Rouveroy en Belgique.
2019 — ARS de CORSE : Réalisation d’un Audit architectural auprès des établissements de soins de types, EHPAD, SESSAD, MAS, IME, PASA, Unité d’Alzheimer.
2019 — Entraide universitaire : Projet d’un IME & SESSAD pour 40 enfants avec autisme à Ecouen (95).
2019 — FHMS Fondation handicap mental et société & EPI : Réalisation d’un appartement expérimental pour personnes avec déficience intellectuelle (Autisme) à Genève (Suisse).
2019 — FHMS Fondation handicap mental et société & EPI : Conception d’un mobilier spécifique pour personnes avec déficience intellectuelle (Autisme) à Genève (Suisse).
2018 — UMCS : Projet d’une MAS pour personnes avec autisme à Ajaccio en Corse.
2018 — EHPAD de CHAMPCEVRAIS : Projet d’un PASA pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
2017 — L’Éveil du scarabée : Construction d’un bâtiment expérimental, MAS pour personnes avec autisme (2018 premier prix d’architecture aux ADC Awards).
2017 — LES SOPHORAS : Projet d’une surélévation d’une MAS pour 20 personnes avec autisme à Marseille pour le compte de La Panouse.
2016 — SOLEIL AME : Projet d’une MAS pour 20 adultes avec autisme à Laragne Montéglin
2016 — CHÂTEAU BOURRON : Projet d’un restaurant dédié aux personnes vulnérables.
2016 — LES PETITES VICTOIRES : Projet d’un FAM pour 24 adultes à Paris 11.
2016 — ENTRAIDE UNIVERSITAIRE : Projet d’un IME & SESSAD pour 40 enfants avec autisme à Domont (95) Negroni archivision — architecte et designer
2016 — ONDULATION : Concours de design (1er prix) — Réalisation d’un mobilier connecté pour personnes avec déficience intellectuelle. Références annexes :
Depuis 2018 — Direction à titre personnel, d’une salle de sport handiboxe (LE RING PARISIEN) pour personnes avec autisme, avec déficiences intellectuelles et personnes vieillissantes avec troubles cognitifs. Plus de 40 adhérents à ce jour.
---14 Juin 2024 - TABLE RONDE - "L'architecture et le design, sensoriels sur le thème accompagnement des professionnels" - (GNCRA) au palais des congres de Rouen.
---03 Avril 2024 - CONFERENCE - "Présentation de notre concept L'architecture et le design sensoriel" - (AUTISME RESSOURCES HAUT DE FRANCE).
---20 Septembre 2023 - COLLOQUE - "Le Sport et le cerveau" - (FRANCE ALZHEIMER) - La maison de la chimie à Paris.
---26 Octobre 2022 - RADIO - "La revanche des opprimés" - (FRANCE CULTURE)
---19 Avr. 2019 - TABLE RONDE - "Le Sport et l'inclusion des personnes handicapées dans la société"
DASES (Direction de l'Action sociale, de l'Enfance et de la Santé) à Paris 18
---21 Septembre 2018 - INTERVIEW- "le bien-être des malades passe aussi par l'architecture" - (FRANCE INTER)
---09 & 10 Nov. 2017 - TABLE RONDE - "Existe-t-il une architecture bienveillante ?"
Salle polyvalente, site EPI La Combe, à Collonge-Bellerive du canton de Genève, Suisse.
---11 avr. 2017 - CONFERENCE - "L'architecture thérapeutique"
Ecole supérieure de design, La Martiniere à Lyon
---18 févr. 2017 - TABLE RONDE - "L'habitat et le syndrome d'Asperger".
Aspie Days - 1er salon international en France sur le syndrome d'Asperger à Lille.
---5 mars 2016 - CONFERENCE - "L'architecture et l'Autisme"
Arco Iris13 & Autisme France - 1382 La Penne sur Huveaune
---26 Decembre 2014 - JT DE FRANCE 3 - "L'éveil du Scarabée" - (FRANCE TELEVISION)